Marie-Bruno, petite sœur de l’Assomption, a accueilli, accompagné et soutenu des dizaines de couples islamo-chrétiens par le biais de son travail au Secrétariat pour les relations avec l’islam. Sophie C. a témoigné de leur longue amitié, lors de la messe de ses funérailles à Paris, mercredi 6 février.
Tout a commencé un samedi matin de décembre 2001 – F. et moi, mariés depuis un mois à peine, souhaitions nous mettre en route pour préparer notre mariage à l’Eglise. Malheureusement, nous avions été mal reçus par la paroisse et ne savions plus vers qui nous tourner. Un prêtre nous a alors informé de l’existence du SRI, Secrétariat pour les relations avec l’islam, auprès duquel nous avons pris rendez-vous. Ce matin-là, Sœur Marie-Bruno nous attendait, son légendaire sourire aux lèvres. En nous présentant, nous pouvions déjà sentir toute la bienveillance qu’elle portait à F., cet Autre venu du Maroc, différent mais si proche d’elle, un frère en humanité. Coïncidence, nous habitions à un pâté de maisons de sa communauté. Entendant cela, elle nous a immédiatement adoptés dans son monde, son environnement, son quotidien. Notre rencontre fut un « coup de foudre amical », une évidence.
Tout de suite, elle nous a aiguillés vers le GFIC, le Groupe des Foyers islamo-chrétiens, où d’autres merveilleuses rencontres nous attendaient. Elle nous avait déjà tant raconté les histoires de chacun, qu’en nous rendant avec elle à la première rencontre, un soir de ce même décembre, nous avions eu l’impression d’intégrer une famille. Sœur Marie-Bruno nous avait pris sous son aile, présentés à tous, et mis en chemin.
Et combien de fins d’après-midi avons-nous passées à partager des histoires autour d’un thé à la menthe, à écouter ses souvenirs de ses années passées en Algérie, ou dans les quartiers, auprès des familles les plus fragiles ? Ses yeux brillaient d’une étincelle d’amour pour tous ses frères et sœurs humains qu’elle portait dans son cœur.
Ensemble, nous avons parcouru tant de kilomètres en métro et RER, d’expositions en soirées interreligieuses, de ruptures du jeûne de ramadan dans les associations de Belleville et de banlieue à des rencontres poétiques ou musicales, du Maghreb des livres aux rencontres du GFIC.
Au-delà de notre famille, bien avant et après nous, Sœur Marie-Bruno a accueilli, accompagné et soutenu des dizaines de couples islamo-chrétiens par le biais de son travail au Secrétariat pour les relations avec l’islam. Elle ne manquait jamais non plus une rencontre du Groupe des Foyers islamo-chrétiens, prenant le temps de connaitre chacun, de s’enquérir de leur histoire de vie pour mieux les aider. Les couples aujourd’hui présents pour lui dire au revoir et merci sont nombreux : Dominique et Mariama, Nicole et Youssef, Armelle et M’hamed, Francis et Zahia, Françoise et Ali, Dominique et Abderrahim, Bruno et Fatima… Tant d’autres nous accompagnent en pensées et en prières aujourd’hui. Tous peuvent témoigner de son amitié et de son soutien indéfectible. Elle reconnaissait immédiatement les couples solides ; mais, avec son caractère bien trempé, elle savait aussi mettre en garde contre des amourettes instables, qu’elle sentait vouées à l’échec. Elle a ainsi fait pleurer plusieurs jeunes filles à qui elle assurait que leur relation n’avait pas d’avenir. Ces dernières revenaient ensuite, quelques semaines plus tard, pour finalement la remercier de les avoir averties. Parfois, les parents étaient réfractaires au mariage de leur enfant. Alors, elle prenait son téléphone, et petit à petit, avec tact, les faisait changer de perspective. Je me souviens aussi du cas de Peggy, dont le mari s’était enfui au Pakistan avec leur tout jeune enfant. Sœur Marie-Bruno avait remué ciel et terre, médias et associations, pour alerter sur son cas et finalement, après de longs mois, obtenir le retour de l’enfant. Elle avait aussi soutenu des parents éplorés après que leur fille se soit convertie et radicalisée sous l’influence de son mari. Elle les suppliait de maintenir le dialogue avec leur fille, réussissant même à les faire se rencontrer en paix.
En 2006, son départ à la retraite bien mérité avait déjà laissé un grand vide pour les couples islamo-chrétiens. Elle ne cessait, depuis, de demander des nouvelles des uns et des autres. Il nous appartient désormais d’honorer son souvenir en poursuivant son œuvre d’accueil inconditionnel, de générosité et de fraternité.